samedi 13 avril 2019

LES COURS D'HERVÉ THIS / Madame Saint Ange indique dans La bonne cuisine de Madame Saint Ange, p. 1040, que l'ajout d’huile dans la pâte à friture rend celle-ci croustillante.

Le thème du mois :


- Madame Saint Ange indique dans La bonne cuisine de Madame Saint Ange, p. 1040, que l'ajout
d’huile dans la pâte à friture rend celle-ci croustillante.
« On la laisse reposer pendant au moins deux heures : la farine doit avoir le temps de gonfler, car
il s'y produit un début de fermentation qui rend la pâte plus légère. »
Trois indications, dans cette phrase, méritent une vérification :
1. l'huile rend-elle la pâte à friture plus croustillante, alors que la pâte à friture est plongée dans
l'huile ?
2. un début de fermentation a-t-il toujours lieu en deux heures de repos ?
3. une fermentation de la pâte à friture rend-elle la pâte plus légère ?
Pour nos expérimentations, nous comparons des recettes, avec notamment :
Agnès Verboom, La Table, guide complet de la maîtresse de maison, Paris-Bruxelles,
Administration du Moniteur des dames et des demoiselles (sd), p. 553 : « Pâte à frire. Mettez dans
une terrine 375 grammes de farine ; faites un creux au milieu et mettez-y deux jaunes d’oeufs [...] ;
mêlez bien le tout, puis versez-y de l’eau tiède en tournant d’une main, toujours dans le même
sens ».
Ou une recette de Michel Grossman :
- 200 g de farine
- 2 jaunes d’œufs
16 cL d'eau (certains mettent du lait, ou moitié eau et moitié lait, ou encore bière)
- ajout des 2 blancs d'oeufs battus en neige
- 7 g d'huile
La pâte doit reposer pendant une heure, raison pour laquelle on met de l'huile sur la pâte réalisée,
afin d'éviter un croûtage. Juste avant l'utilisation, l'huile est émulsionnée dans la pâte.
Certains ajoutent aussi de la « levure chimique », produit très différent de la « levure », ce qui
conduit à dénoncer la dénomination trompeuse de « levure chimique ».
Par exemple, on voit des produits tels que:



Qu'importe la marque : la dénomination est trompeuse, et l'on a souvent l'occasion de voir que le
public est effectivement trompé. On invite tous les lecteurs de ce compte rendu à écrire à la
DGCCRF pour réclamer un changement de la réglementation.
Lors de la planification des expériences, on discute la possibilité de tester l'éventuelle fermentation.
Il est sans doute vrai que le mélange de farine et d'eau permet un début immédiat de fermentation,
mais la question est de savoir « combien » de fermentation a lieu, en combien de temps, à des
températures particulières.
Rolande Ollitrault signale notamment que, pour la pâte à crêpe, le fait de faire reposer pendant 24 h
transforme la consistance : d'une consistance de carton, les crêpes prennent une belle consistance
après le repos ; le volume de pâte ne semble pas augmenter (à mesurer).
Pour des raison de temps, nous décidons de nous focaliser seulement sur la question du croustillant
qui serait dû l'huile.
Nous décidons donc de préparer une pâte, qui sera divisée en deux moitiés, l'une avec farine et
l'autre sans. Les deux pâtes à frire seront frites ensemble, le même temps, dans la même casserole,
et donc à la même température.
Nous utilisons :
Farine, type 55, « Farine des gourmets », 200 g (pesé à la balance précise au gramme)
Oeufs, Karvenach, 2 jaunes
- sel pour assaisonnement
- eau : 150 g (pesée
- le mélange est lissé
- blancs en neige
Après division, on met 5 g d'huile dans une seule des deux moitiés.
On n'observe pas de différence d'aspect de la pâte ni de différence de couleur.


Puis deux intervenants font tomber des cuillerées de chaque lot dans une même casserole d'huile
fumante, en même temps. Les petites masses frites sont récupérées à l'araignée au même moment.
Puis nous organisons un test triangulaire :
Tout d'abord, nous comparons des masses frites entières, ce qui laisse la possibilité que deux masses
frites ne soient pas identiques, en raison de tailles différentes. Les résultats, avec un premier juré,
sont :
Essai 1 : reconnaissance, mais la personne admet qu'elle a décidé au hasard, ne percevant pas de
différence de consistance ni de goût
Essai 2 : la même personne ne reconnaît pas les deux échantillons du même lot
Essai 3 : la même personne ne reconnaît pas les deux échantillons du même lot
Un autre dégustateur fait le test, mais avec des moitiés coupées pour éviter les différences entre
échantillons :
Essai 1 : la même personne ne reconnaît pas les deux échantillons du même lot
Essai 2. la personne dit reconnaître, mais admet une différence très subtile
Essai 3 : la même personne ne reconnaît pas les deux échantillons du même lot
Essai 4 : la même personne ne reconnaît pas les deux échantillons du même lot 3. faux
Un troisième dégustateur se trompe une fois sur deux, et, quand il se concentre sur la consistance (le
prétendu croustillant), il ne voit aucune différence.
Bien sûr, comme les expériences faites dans le cadre de ce séminaire, l'expérience est préliminaire,
et elle doit être reproduite, notamment parce que, pour les conclusions que nous pouvons tirer, nous
n'avons pas fait de repos de la pâte. D'autre part, nous avons utilisé de l'eau, et non du lait ou de la
bière, mais on observera que la recette initiale stipulait l'usage d'eau.

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