dimanche 16 juin 2019

Cours D'Hervé This / Cuisson des Artichaut et Asperges

 Les artichauts

On part d'une précision culinaire de 1961 : Marie-Madeleine Dujon, Autour d’une bonne table,
Mirambeau et Cie, pour la Compagnie française des produits Liebig, préface de E. de Pomiane,
Paris, 1961, p. 48 : « Ne jamais couper au couteau la queue des artichauts, le fond prendrait une
saveur amère ».
Les professionnels discutent la cuisson des artichauts, confirment que la queue est toujours
arrachée, et non coupée, et que la cuisson de fait pendant 45 min dans l'eau bouillante salée, départ
eau chaude.
Mais un cuisinier italien qui est présent indique que, pour ses artichauts (tournés), il les met dans
l'eau froide, pour les conserver fermes. On interprète que le départ à l'eau froide active des enzymes
pectinases, qui sont responsables d'un durcissement : c'est notamment utilisé par l'industrie des
cornichons, pour les conserver bien fermes.
Il est également signalé que, parfois, on ficelle un demi citron sur le fond à l'endroit où la queue a
été arrachée.
Pour nos expériences, nous coupons deux artichauts sagittalement : pour deux demi artichaut, on
coupe la queue au couteau, tandis que l'on arrache l'autre demi queue.


On cuit dans l'eau salée (environ 10 g au litre).
Les artichauts sont cuits pendant 28 minutes. Ils sont sortis, laissés à refroidir, puis préparés pour
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un test triangulaire (sans voir les échantillons), dont les résultats sont :
Dégustateur 1 : 1 bonne reconnaissance (mais en signalant combien la différence est ténue), deux
erreurs
Dégustateur 2 : trois erreurs
Dégustateur 3 : 3 erreurs.
On conclut que la précision culinaire n'est pas confirmée par l'expérimentation.



Les asperges blanches

Cette fois, on part d'une précision culinaire de 4e siècle : Apicius, L'Art culinaire                                   (De Re Coquinaria), 1987 (texte du IV-V e siècle, Les belles lettres, Paris, p. 22 : « Séchez les asperges, puis plongez-les à nouveau dans l’eau chaude : vous rendrez leur chair plus ferme ».
La précision culinaire étant vague, nous décidons donc de commencer par éplucher des asperges (au
couteau). On les plonge toutes ensemble dans l'eau bouillante pendant 9 minutes, puis on en remet
la moitié dans l'eau chaude pendant 4 minutes.



On observe que l'eau des asperges blanches est verte émeraude, et, surtout, 6 minutes après le début
de la cuisson, on voit un bouillonnement turquoise très foncé (voir plus loin).
Une minute avant la cuisson, la couleur de l'eau s'est un peu affaiblie.
On fait encore un test triangulaire (en aveugle), et l'on a les résultats suivants :
Dégustateur 1 : reconnaissance (différence « très subtile »), échec, échec (avec appréciation du
contraire de ce qui est attendu)
Dégustateur 2 : pas de différence, reconnaissance correcte, reconnaissance incorrecte deux fois.
Dégustateur 3 : pas de différence perçue trois fois.
On conclut que les expérimentations réfutent la précision culinaire.

Les asperges vertes

Cette fois, on part d'une précision plus récente (1999) : « Faites cuire les queues d’asperges
[vertes je suppose] dans de l’eau salée bouillant en permanence pour qu’elles ne jaunissent pas ».
On part d'asperges vertes que l'on épluche au couteau et une l'on cuit pendant 8 minutes. L'eau est
encore verdâtre, mais plus jaune que pour les asperges blanches.
Et on ne voit pas de différence de couleur pour les deux protocoles :
- cuisson en continu
- cuisson discontinue.
Là encore, les expérimentations ne corroborent pas la précision culinaire.

 A gauche, l'eau de cuisson des asperges vertes, et à droite celle des asperges blanches