Une étrange béarnaise
Pour le premier teste, nous partons d'un ouvrage non daté, mais qui semble avoir 50 à 100 ans :Sd : Par les Dames Patronnesses de l’Oeuvre du Vêtement de Grammont, 760 recettes de cuisine
pratique, Grammont, p.32 : « Sauce béarnaise très fine. Battez un jaune d’oeuf fortement pendant
un quart d’heure. Ajoutez-y un peu à la fois un morceau de beurre gros comme un oeuf que vous
avez d’abord ramolli à la bouche du four. Battez encore pendant vingt minutes, et ajoutez-y une
cuillerée à soupe de vinaigre à l’estragon et une pincée de persil haché, salez poivrez ».
Cette recette de béarnaise à froid, en quelque sorte, est étrange, et l'on observe ici qu'aucun des
participants du séminaire n'avait d'idée à propos d'un éventuel résultat.
Un participant accepte de faire la recette : au fouet manuel, dans une casserole.
Nous partons de deux jaunes d’oeufs.
Après 10 minutes de battage, on observe que les jaunes blanchissent, ce qui s'explique évidemment
par l'introduction de bulles d'air (on en voit à l’oeil nu).
Puis on met le beurre, tout en fouettant : en quatre parties, nous utilisons environ 150 grammes de
beurre.
Initialement, nous avions prévu d'ajouter 1/4 du beurre préparé (il faisait 25 °C, et le beurre était
très mou) toutes les 5 minutes, mais le durcissement de la préparation nous oblige à ajouter le 2e
quart après seulement 2 minutes de battage.
Progressivement la masse prend du corps, devient ferme (après 10 minutes, notamment), très
blanche, et l'on obtient une consistance de crème au beurre (salée, donc).
On ajoute finalement 2 cuillerées à soupe de vinaigre (puisque nous avons utilisé 2 jaunes), et nous
avons donc une préparation très éloignée d'une béarnaise.
On observe que le nom de béarnaise est donc usurpé, pour cette recette. La préparation n'ayant pas
été nommée, il faut le faire avec un nom loyal, qui ne prête pas à confusion : on veut éviter le nom
de crème au beurre salée, parce que ce nom classique est assez faux, en ce sens qu'il ne contient
précisément pas de crème ! Ici, avec des jaunes et du beurre, pourquoi n'aurions-nous pas
simplement des « jaunes au beurre » ?
On observe tout d'abord que l'on ignore pour l'instant la microstructure de ce produit. On suppose
la présence de bulles d'air, mais aussi une émulsion, avec dispersion soit d'eau dans la matière
grasse, soit de matière grasse dans l'eau. L'étude est à faire.
On observe ensuite que le travail a été très long (35 minutes de battage au total), mais le résultat
était obtenu après un battage total de 20 minutes. De surcroît, il n'est pas certain que le battage
initial (10 minutes) ait été utile, ce qui permettrait de réduire à 10 minutes. Bien sûr, cela peut se
faire au batteur électrique, par exemple, ou par tout autre moyen plus moderne.
Enfin, on observe que, dans les crèmes au beurre, on ajoute un sucre cuit pour des raisons
microbiologiques, mais les produits alimentaires sont réputés protégés si le pH est inférieur à 4,6.
Or ici, la recette stipule d'ajouter 2 cuillerées à soupe de vinaigre.
Dans un tel cas, avec 2 jaunes d’oeuf, la quantité d'eau est d'environ 30 grammes. Avec 20 grammes
d'eau, cela fait un pH de Le pH de 4,6 est donc obtenu avec une masse de vinaigre égale à 2.51, ce
qui est bien inférieur à ce qui est nécessaire (pensons toujours qu'une petite quantité d'acide fait une
forte acidité si c'est dans une petite quantité d'eau!).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire