On redonne en détail le résultat des expériences relatives au flambage du Cognac, et l’on ajoute le résultat d’expériences de flambage du vin : dans les deux cas, des cuisiniers ont écrit que ce flambage « réduit l’acidité, en évaporant les acides volatils » (par exemple, B. Loiseau, p. 27 : « Il est toujours indispensable de flamber le cognac pour le débarrasser de ses acides »).
Il y a là deux affirmations différentes qui doivent être testées :
(1) est-il vrai que le flambage réduit l’acidité ?
(2) s’il était vrai que le flambage réduisait l’acidité, cela serait-il dû à l’évaporation d’acides volatils ?
On doit répéter que, contrairement à une idée qui est dans les milieux culinaires, les producteurs de cognac n’ajoutent pas d’acide sulfurique dans leurs alcools : on ne parle d’acide sulfurique que pour exprimer l’acidité des cognacs, vins ou eaux-de vie.
Ainsi, l’Acidité Volatile (AV) est un paramètre important de la qualité des vins, que l’on utilise pour désignes toutes les formes (libres et salifiées) des acides volatils potentiellement présents dans le vin (le principal acide volatil est l’acide acétique, dont la température d’ébullition est de 122 °C). La teneur en AV est mesurée en “grammes d’acide sulfurique par litre de vin”. C’est un critère de qualité utilisé par la loi française : un vin est dit “marchand” si celle-ci n’excède pas 0,9 g/L. Les réglementations vinicoles des autres pays producteurs indiquent des limites comparables.
Pour éclairer la discussion qui suit, on rappelle que l’acidité se mesure sur une échelle entre 0 (très acide) et 14 (très basique). L’eau, qui n’est ni acide ni basique, mais neutre, a un pH de 7.
Pour avoir une idée, des citrons peuvent avoir un pH de 2, et de la « lessive de cendres », comme on en utilisait naguère pour cuire les légumes verts, peut avoir un pH de 12.
On observera aussi que l’acidité en bouche ne dit rien de l’acidité réelle : on a mesuré des pH de framboises de seulement 2, alors que c’est la même que celle de vinaigres. Et l’on observera que, avec les gastriques, le pH ne change pas avec l’ajout de sucre (saccharose), même si l’acidité en bouche disparaît.
Enfin, à propos de cognacs, l’expérience avait été faite de mesurer le pH de cognacs flambés ou non, mais réduits de la même façon. Le pH initial est de 4.08.
Réduire de 71 ml à 18 ml, avec flambage, prend environ 30 minutes, et l’on mesure finalement un pH de 3.08 : le liquide flambé est donc plus acide que le liquide non flambé, contrairement à ce qui a été écrit.
Pour la même opération de chauffage, sans flambage, mais avec la même réduction (en volume), on obtient un pH de 3.03, pas différent significativement. Et la fin de l’évaporation d’alcool flambable s’observe après la même durée.
On note enfin que l’on avait observé un trouble, pour les Cognacs flambés ou réduits non flambés. Ce trouble est resté inchangé (Figure 1).
Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inrae
Illustration 1: De gauche à droite : cognac, cognac flambé, cognac réduit et non flambé : on voit un trouble, à la réduction.
Pour le vin, l’expérience a été la même : on a comparé le pH de vin nature, ou de vin réduit, flambé ou non.
Il s'agissait de Cabernet Sauvignon 2019, Réserve Saint Marc, Pays d'Oc, Vignobles Foncalieu, Arzens.
Le chauffage a duré cette fois 10 min 48 s, avec flamme, et le même temps à 10 s près sans flamme.
Les pH sont :
- pour le vin cru : 3.67 (sd 0.01)
- pour le vin flambé : 3.61 (sd 0.01)
- pour le vin réduit sans flambage 3.60 (sd 0.01)
Cette fois, on ne voit quasiment pas de variation, et, en tout cas, pas d’augmentation de pH.
Donc, pour le vin comme pour le Cognac, la réponse à la première question est claire : s’il est exact que la sensation en bouche est moins « rude », après le flambage (ou la réduction), il n’est pas vrai que les liquides deviennent moins acides ; au contraire, ils deviennent plus acides.
Ici, on signale la confusion fréquence entre acidité, amertume, présence d’éthanol. C’est cette confusion qui explique que l’idée (1) soit fausse. En revanche, pour l’idée (2), c’est une interprétation très fautive d’un phénomène qui n’a pas lieu. Ce qui est principalement en cause, lors du flambage, c’est l’évaporation de l’éthanol pas des « acides volatils ».
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