Séminaire de gastronomie moléculaire
duCentre International de Gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra
17 octobre 2016
Centre Jean Ferrandi (Chambre de commerce de Paris)
Thème :
Légumes verts et levure
1951 : Dr Jean Nussbaum, Science et cuisine, Ed. Vie et santé, Dammarie les Leys, 1951,
p.79 : « Pendant les premières minutes de cuisson, il se dégage des épinards, choux et autres
légumes, un acide volatil qui altère la couleur de ces légumes quand il reste à leur contact ;
aussi devrait-on laisser la casserole découverte pendant les premiers bouillon »
A ce propos, on signale surtout la thèse de Juan Valverde, ancien doctorant du Groupe de
gastronomie moléculaire : Study of the modifications induced by various culinary and industrial
treatments of pigment systems from immature pods of green beans (Phaseolus vulgaris L. ) :
introduction of new analytical methods for the study of these systems
(http://www.theses.fr/2008PA066677) .
Cette thèse faisait suite à de nombreux travaux du Groupe de gastronomie moléculaire, où nous
avions notamment montré que la cuisson de haricots verts avec ou sans couvercle ne modifiait pas
la couleur (ce qui a notamment été confirmé très soigneusement dans la thèse). De ce fait, acides
volatils ou pas, peu importe, en réalité.
Le résumé de la thèse est :
La couleur des végétaux verts est un des critères importants d’appréciation de la qualité des
aliments. Elle est due notamment aux chlorophylles, aux caroténoïdes et à leurs dérivés, molécules
au rôle nutritionnel important. Les procédés culinaires ou de l’industrie alimentaire conduisent à
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des modifications des molécules qui composent les systèmes pigmentaires. Des études scientifiques
récentes n’ayant pas retrouvé, dans certains conditions, de corrélation entre la couleur (déterminée
par colorimétrie) et le contenue en pigments, on a étudié les modifications de la couleur et du
contenu en pigments de « haricots verts », c’est-à-dire de gousses immatures de Phaseolus vulgaris
L. lors de divers traitements, thermiques ou non (culinaires et industriels). Des échantillons été
étudiés à la fois au laboratoire et sur site industriel. Dans les deux cas, la couleur des gousses
entières a été déterminée par colorimétrie tristimulus (système L*a*b*). Le contenu en pigments a
été déterminé par deux méthodes mise au point au cours du travail et qui ont fait l’objet de
publications. Sur site industriel, la composition en pigments a été déterminée par chromatographie
quantitative sur couches minces, grâce à un traitement numérique d’images numérisées des
couches minces produites. Par cette méthode rapide, peu coûteuse, répétable et qui révèle jusqu’à
certains isomères structuraux des chlorophylles, on a étudié les étapes préliminaires des
traitements industriels. Pour les analyses au laboratoire, on a mis au point deux méthodes
spectroscopiques qui évitent toute séparation chromatographique préalable : la spectroscopie UVVis
avec régression linéaire multiple, d’une part, et la résonance magnétique nucléaire quantitative,
d’autre part. La première méthode est rapide, et facile à utiliser, mais la RMN quantitative donne
plus d’information sur les isomères structuraux des pigments (épimères des chlorophylles et
isomères cis/trans des caroténoïdes).
Lors du séminaire, nous utilisons des moyens « rudimentaires » pour faire l'expérience, avec non
pas des haricots verts, mais des épinards et du chou : dans les conditions du séminaire, nous n'avons
que la possibilité d'utiliser des bandelettes de papier pH pour faire les mesures. On note que ces
mesures sont en outre méthodologiquement très fautives, car nous ne mesurons pas le pH à la même
température, ce qui fausse notablement les mesures.
Dans les expériences, nous mesurons le pH dans l'eau de cuisson, dans la vapeur (avec des
bandelettes d'abord humectées à l'eau du robinet), mais on répète que toutes ces mesures ne valent
rien, vu les faibles différences observées et, surtout, les mauvaises conditions expérimentales.
En revanche, pour l'eau de cuisson, la mesure avait été faite correctement avec Juan Valverde, pour
50 g de haricots et 500 g d'eau (distillée) et le résultat suivant avait été obtenu :
7.4
7.2
7.0
6.8
6.6
pH
0 10 20 30 40 50
Cooking time (min)
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Evidemment, cette variation, qui correspond à celle que nous observons lors du séminaire, ne dit
rien de l'acidité des vapeurs. Pour conclure, on envisage de distiller les vapeurs de cuisson, pour
mesurer le pH des vapeurs recondensées.
2. A-t-on une différence quand on met la levure dans la pâte à pain directement, ou bien
quand on l'active d'abord dans de l'eau tiède
La préparation des expériences est l'occasion de discuter des questions de digestibilité. A ce sujet,
on se rapportera aux travaux du Centre Inra de Nantes, où des collègues explorent la panification,
depuis des décennies.
On signale aussi l'existence de société (notamment françaises) spécialisées dans la production de
levures, avec des gammes très vases.
On discute également la confusion entre des prétendues intolérances aux levures, reliées à des
prétendues intolérances au gluten. A noter que si la maladie coeliaque touche effectivement une
petite partie de la population, il a été montré que la prétendue intolérance au gluten était en réalité
une série de ballonnements plutôt dus aux fibres (cellulose, notamment), souvent associées à des
farines moins raffinées, tout comme à la consommation des légumes.
Pour nos expérience, nous comparons un pâton fait de 80 g de farine, 40 g d’eau, 10 g de levure. Il
est pétri pend 10 minutes.
On le compare au même système, où la levure est ajoutée à de l'eau jusqu'à apparition d'un
bouillonnement (cela prend 15 minutes), avant que l'ensemble soit ajouté au reste de la préparation.
Tout est fait à la même température, et, à la fin du séminaire, soit après 32 minutes de fermentation,
les deux pâtons ont le même volume.
5- L'acclimatation de la cuisine note à note
Lors des discussions de la cuisine note à note, la question des « additifs » est à nouveau considérée.
Elle fait apparaître une large méconnaissance de ces produits, parmi lesquels figurent le caramel,
(que confectionnent les pâtissiers, sans contrôle), les chlorophylles (que produisent les cuisiniers,
sous forme impure), les lécithines (35 % du jaune d'oeuf), diverses gommes, la gélatine, les pectines
(des confitures)…
On voit beaucoup de confusion entre additifs, « arômes » (une catégorie merveilleuse au nom très
déloyal), auxilliaires technologiques… Pour contribuer à éclairer le public face aux cacophonies de
groupes de pression dont les intérêts sont souvent cachés, il est résolu que le Glossaire des métiers
de bouche s'accroîtra de descriptions de ces produits.