Séminaire de gastronomie moléculaire
du
Centre International de Gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra
23 mai 2016
Centre Jean Ferrandi (Chambre de commerce de Paris)
Thème :
Les pâtes feuilletées (directes, inversées) et leur cuisson sur
plaque simple ou double.
La cuisson des pâtes feuilletées sur deux plaques diffère-t-elle de celle sur une plaque ?Les pâtes feuilletées inversées développent-elles différemment des pâtes feuilletées directes ?
Pour explorer ces questions, nous décidons de faire deux gros pâtons de pâte feuilletée, une directe
et une inversée.
Nous décidons d'utiliser les mêmes ingrédients, dans les mêmes quantités, et de cuire ensemble
plusieurs blocs de pâtes diversement répartis dans un four.
La recette de la pâte feuilletée directe est :
- pâton farine : de la farine (500 g) et de l'eau (240 g)
- pâton beurre : du beurre (500 g).
La recette de la pâte feuilletée inversée est la suivante :
- pâton beurre : 2 parties de beurre, pour une partie de farine
- pâton farine : 2 parties de farine pour une partie de beurre, de l'eau
Nous décidons d'utiliser la même quantité de farine, de beurre et d'eau dans les deux pâtes. Pour
l'eau, cela crée des difficultés, car la pâte inversée en nécessite moins. Nous sommes obligés de
mettre le pâton farine de la pâte inversée au congélateur, pour la durcir avant de la travailler.
De ce fait, pour avoir des conditions aussi proches que possible pour les deux pâtes, nous décidons
d'alterner les passages au froid, afin d'avoir un temps total de séjour au froid qui soit le même. Au
total, les deux pâtes reposent donc le même temps.
Lors du travail de la pâte directe, on fait la croix, et le repliement ne se fait pas au centre. On
observe que la pâte directe est plus élastique que l'autre, ce qui se comprend par la formation du
réseau de gluten, sans doute privilégiée. On observe d'ailleurs moins de rétraction.
Pour le tourage, on fait (pour les deux pâtes) :
- deux tours doubles (en quatre)
- deux tours simples (en trois).
On observe que le nombre de tours classiquement utilisés (comme ici) pour la pâte feuilletée
inversée diffère du nombre de tours utilisés classiquement pour la pâte feuilletée directe.
En effet, pour une pâte inversée :
- la mise de la pâte dans le beurre conduit à 2 couches de beurre et 1 couche de « farine »
- puis le premier tour double fait 5 couches de beurre et 4 couches de farine
- le second tour double fait 17 couches de beurre et 16 couches de farine
- le premier tour simple conduit à 51 couches de beurre et 50 couches de farine
- le second tour double conduit à 151 couches de beurre et 150 couches de farine.
C'est donc bien moins que pour une pâte feuilletée classique, directe :
- la mise du beurre dans la pâte conduit à 1 couche de beurre, et 2 couches de farine
- puis le premier tour simple fait 3 couches de beurre et 4 couches de farine
- le deuxième tour simple fait 9 couches de beurre et 10 couches de farine
- le troisième tour : 27 couches de beurre et 28 couches de farine
- le quatrième : 81 couches de beurre et 82 couches de farine
- le cinquième : 243 couches de beurre et 244 couches de farine
- le sixième : 729 couches de beurre et 730 couches de farine.
De ce fait, on peut imaginer que les couches seront plus épaisses, dans la pâte inversée, ce qui
permettra un meilleur développement. D'autre part, les résultats d'un séminaire précédent sur les
feuilletages font penser que les feuilles seront plus « croquantes » et mieux perceptibles.
Finalement les deux pâtes sont étendues en rectangle de la même taille, ce qui garantit la même
épaisseur (mêmes quantités de matière). Les bords sont taillés.
Lors du travail, on discute l'hypothèse selon laquelle la pâte feuilletée aurait été introduite en vue
de mettre plus de beurre. Les sablés bretons, par exemple, ont autant de farine que de beurre, mais
ils ne se tiennent pas.
Certains font des pâtes feuilletées avec d'autres proportions que celles que nous avons testées.
Il est dit que la mise au congélateur des paons permet d'avoir des bords lisses.
Une expérience (à reproduire) avec des galettes des rois préparées en direct, sans attente, a fait
apparaître des dessins plus estompés.
Pour la cuisson, on prépare deux plaques superposées, dans le premier tiers bas du four, et une
plaque simple dans le tiers supérieur. Le four est préchauffé à 220 °C, puis baissé à 180°C (chaleur
tournante) lorsque nous déposons les 12 pâtons (6 pour chaque pâte). Pour avoir une idée des
différences de cuisson dans le four, nous décidons d'alterner les pâtons en damier, gauche/droit et
devant/derrière.
Le début de la cuisson commence à 17h25.
A l'enfournage, la pâte feuilletée inversée semble plus lisse.
Surtout, très rapidement, on voit un développement bien plus rapide sur la double plaque, mais nous
comprenons qu'un autre effet peut jouer : la double plaque se trouve en bas, et l'on pourrait penser
qu'il y fait plus chaud.
Cela étant, sur les deux niveaux, la pâte feuilletée inversée développe beaucoup plus que la pâte
feuilletée directe.
Sur la photo ci dessous, on ne voit (mal) que deux pâtons de pâte feuilletée inversée. Les deux
pâtons supérieurs sont directs.
On observe que le feuilletage direct, qui a donc moins gonflé, n'a pas attendu comme on aurait dû
(passage au froid de la détrempe, puis passage au froid tous les deux tours simples, classiquement) ,
et contient plus de beurre que dans de nombreuses recettes.
Puis, alors que le résultat est clairement obtenu, une erreur de manipulation à mi cuisson (environ)
conduit le four à chauffer à 300°C… de sorte que tous les pâtons brunissent.
On observe que les pâtons inversés sortent d'ailleurs plus bruns que les autres.
On baisse donc à nouveau la température, et l'on cuit les rognures à partir de 17 h 38.
Là encore, on vérifie que, pour cette cuisson bien conduite, la pâte inversée développe bien mieux
que la pâte feuilletée directe. Lors de la cuisson, on voit des bulles de vapeur sortir par les
extrémités.
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