samedi 2 janvier 2016

Faire un yaourt avec votre vagin


Comment préparer un bon petit déjeuner avec votre vagin


Rédigé par

JANET JAY





L’idée nous est venue alors que je discutais des vertus probiotiques du vagin avec une amie. « Pourquoi existe-t-il un livre entier de recettes à base de sperme, mais pas le MOINDRE TRUC sur Google concernant le fait de cuisiner avec de la cyprine ? », m’a-t-elle demandé.
Et du coup, elle s’est immédiatement emparé d’une cuiller, d’une poêle et d’un thermomètre, et s’est mise à préparer un yaourt fabriqué à partir de son vagin – on ne fait pas mieux en termes de cuisine “locale“.
Cecilia Westbrook est mon amie, et elle est actuellement en thèse à l’Université du Wisconsin. On avait déjà fait des blagues par le passé sur le fait de fabriquer du yaourt grâce aux sécrétions vaginales – des trucs aussi marrants que « haha ça serait cool de bouffer une chatte, genre, littéralement » - mais on a donc fini par faire une petite recherche sur Google, et là : rien. Même pas dans la littérature médicale. Sa curiosité ayant été piquée, Cecilia s’est mise à mener ses propres recherches. Et au final, qu’aurait-elle bien pu faire si ce n’est tester son idée elle-même ?
Chaque vagin abrite des centaines de types de bactéries et d’organismes divers. Ces organismes, qu’on appelle généralement “flore vaginale“, produisent de l’acide lactique, du peroxide d’hydrogène, et d’autres substances qui assurent la bonne santé du vagin. Les bactéries les plus importantes s’appellent les lactobacilles, et il se trouve que c’est aussi ce qui permet de produire du lait, du fromage, et du yaourt.
Cecilia n’a pas fabriqué son yaourt juste pour la blague. Elle ne l’a pas fait non plus parce qu’elle avait faim. Elle en savait assez sur la chimie interne du vagin pour avoir de bonnes raisons de penser que déguster un yaourt fait de ses sécrétions intimes serait bon pour sa santé. Vraiment.

Cette première fournée de yaourt avait un goût aigre, acidulé, qui piquait presque sur la langue. Selon elle, ça ressemblait à du yaourt indien, et elle le mangea avec des myrtilles.

L’explication a un nom : les probiotiques, des micro-organismes sympa qui, quand on les ingère, sont censés faire du bien à nos intestins. Vous avez sûrement déjà vu des pubs pour des yaourts bons pour vos tripes. Mais il est aussi possible d’acheter des probiotiques pour votre vagin, qui promettent de le maintenir en bonne santé en s’assurant qu’il contienne plus de “bonnes“ bactéries que de mauvaises.
« Vous pouvez ingérer des probiotiques par voie orale, et les bactéries termineront leur course dans votre vagin, m’a expliqué Larry Forney, microbiologiste à l’Université de l’Idaho. L’idée de manger un yaourt pour traiter votre vagin est un peu bizarre, on se demande “Hey, ça veut dire que j’ai un problème de tuyauterie ?“ Mais au final, ça marche. »
En théorie, en tout cas. Et dans ce cas, quoi de plus sain que de prendre des bactéries saines de son vagin et de les cultiver pour les ingérer plus tard, se dit Cecilia ?
La “technique de prélèvement“ se résuma à une cuiller en bois. Elle mélangea ses ingrédients autoproduits à un peu de yaourt, et laissa reposer le tout une nuit durant. La magie de la biologie lui permit de retrouver un bol de yaourt de taille respectable le lendemain.
Cette première fournée de yaourt avait un goût aigre, acidulé, qui piquait presque sur la langue. Selon elle, ça ressemblait à du yaourt indien, et elle le mangea avec des myrtilles.
Ce qui, semble-t-il, n’est pas du tout une bonne idée.
Selon Larry Forney, « quand on prend des sécrétions vaginales, on ne prend pas que les lactobacilles. On prend tout d’un coup. » Et il est possible que, selon le jour, selon l’individu, « ce qui se retrouve dans votre yaourt n’est plus dominé par les lactobacilles mais par d’autres bactéries, dont certaines peuvent être pathogènes », explique-t-il.
Il arrive que ce déséquilibre provoque des mycoses ou d’autres désagréments plus ou moins graves. Ce qui est sûr, c’est que vous n’avez aucune envie que ces organismes se retrouvent dans votre petit déjeuner. Même un vagin parfaitement sain abrite des organismes qu’il vaut mieux ne pas cultiver.
« C’est globalement une mauvaise idée, dit Forney. Mais il y a ici un élément intéressant : elle utilise des bactéries issues de son propre vagin. »
Vu que chaque femme a sa propre flore vaginale, dont la composition en bactéries et lactobacilles varie beaucoup, les probiotiques vaginaux peuvent avoir une utilité discutable. Mais si une entreprise ou une université développait des probiotiques adaptés à la flore vaginale de chaque femme, cela pourrait s’avérer nettement plus efficace que tout ce qu’on trouve dans les supermarchés actuellement, selon Forney.
Manger ses propres probiotiques n’a peut-être pas eu les effets bénéfiques sur sa santé qu’espérait Cecilia, mais son projet avait tout de même quelques mérites. «J’aime l’idée sur le principe, mais c’est risqué, parce qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’elle fait et elle pourrait se retrouver avec un yaourt mauvais pour elle », estime Forney.
L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) est du même avis. Selon Theresa Eisenman, attachée de presse du Centre pour la Sûreté Alimentaire de l’agence, « les sécrétions vaginales ne sont pas considérées comme de la “nourriture“, et elles peuvent transmettre des maladies. Une denrée alimentaire qui contient des sécrétions vaginales ou d’autres fluides corporels est considérée comme frelatée. »
Autrement dit, il y a peu de chances que vous trouviez “les yaourts au jus frais de Tata Cecilia“ au rayon laitages de votre supermarché dans un avenir proche.
Cecilia avait déjà produit une deuxième fournée de yaourt quand on m’a expliqué que ce n’était pas une si bonne idée que ça. Mais malgré toutes les mises en garde venues de Forney ou de la FDA, elle se sent bien. Elle n’a toutefois pas l’intention de remettre ça.
« En fait, c’est hyper évident. Genre, bien sûr que tu peux faire du yaourt avec tes sécrétions naturelles, dit-elle. Mais qui penserait sérieusement à faire ça ? Bien sûr, la féministe en moi trouve ça beau de lier son corps et sa nourriture, et surtout d’explorer le pouvoir de son vagin. Il y a aussi une dimension un peu hippie, un peu mystique, mais pour l’essentiel, il s’agit d’être à l’aise avec son propre corps, surtout dans une culture qui est aussi peu à l’aise avec le corps des femmes. »
Pour ce que ça vaut, Cecilia m’a dit que son deuxième yaourt était encore plus âpre, comme du lait qui aurait un peu tourné. Preuve ultime qu’hélas, bouffer du yaourt aux sécrétions vaginales n’est pas vraiment aussi cool que bouffer une vraie chatte.

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